Mimos 2019 : Périgueux, capitale du geste
Le festival international des arts du mime et du geste promet quelques rendez-vous inoubliables, tellement les propositions sortent du cadre ordinaire de la boîte noire. Petite sélection dans une programmation très engagée, à fort parfum espagnol et souvent imprévisible, du 23 au 27 juillet.
Une envie de vous faire servir le petit déjeuner par des contorsionnistes ? De traverser la ville de nuit, en compagnie de milliers de personnes et d’un énorme mannequin en paille ? De voir des ballerines sur pointes danser à la verticale, avec la façade du théâtre comme plancher ? De voir un ballet féminin et furibond, dansé sur échasses ? De découvrir les secrets de notre communication non-verbale inconsciente ? De vous balader, à la nuit tombée, dans un parc, entre des installations de feu, des peintres, des écrans, des installations plastiques. De voir les mannequins des vitrines du centre-ville s’animer du matin au soir ? Ou bien de choisir entre les vingt spectacles du Off qui s’ajoutent aux vingt compagnies du In ? Plus vous cochez de cases, plus Mimos est fait pour vous !
Olà Mimos!
La thématique du festival est le corps engagé et politique, et ce thème culmine de façon vibrante, voire terrifiante, dans l‘évocation par la compagnie espagnole Insectotropics, de Mohamed Bouazizi, dont nous connaissons peu le nom mais d’autant plus son acte final, celui qui déclencha les révolutions dans le mays arabes, en 2011. Bouazizi s’immola par le feu. The Legend of Burning Man est un spectacle gestuel, visuel et multimédia où se croisent le corps, la vidéo et la peinture en direct et les arts plastiques.
On retrouvera avec grand plaisir Mulier, l’impressionnant ballet de cinq femmes sur échasses de la compagnie espagnole Maduixa, un véritable ballet de combat qui revendique haut et fort un statut de puissance pour la femme en évoquant usines, champs ou tâches ménagères. En 2017 le spectacle est déjà venu à Mimos, mais il avait lieu en extérieur. La compagnie revient ici avec la version pour la scène, où la force des échasses résonnera de façon plus fulgurante encore, soutenue par une création lumières sophistiquée qui met les danseuses en valeur, dans la lignée des revendications de Mulier.
Avec la compagnie Otradanza, on découvrira un duo intitulé Rito qui renoue avec le cercle sacré et la terre dans son état le plus immédiat. Cette compagnie qui vient d’Alicante s’inspire ici de l’antiquité grecque et rites des peuples originels du Mexique. Ils nous embarquent pour un voyage au cœur de notre mémoire collective et reptilienne. Rito pourrait bien éclairer de son regard intemporel le quatuor Brut de Marta Torrents, où il est question des relations contemporaine dans le couple ou entre amis. Torrents vit certes à Toulouse où elle s’inscrit dans les recherches du cirque contemporain. Elle n’en est pas moins Catalane.
En revanche, le nom de la compagnie Marie de Jongh semble nous diriger vers des régions néerlandophones, mais la compagnie est toute aussi espagnole que son directeur Jokin Oregi. Par conter, force est de constater que leur théâtre de clown masqué s’inscrit dans la même sensibilité que celui des Allemands de Familie Flöz ou Habbe & Meik. Sans oublier que le jour de l’ouverture, on verra la danse escalade de la compagnie barcelonaise Delrevés (à l’envers en catalan), un trio qui chamboule la danse, de 90° exactement, pour redéfinir ce que l’on peut considérer comme un pas de trois dans un programme de gala. Du ballet comme on le l’a jamais vu! Avec cette présence hispanique massive, on peut s’attendre à ce qu’au village du festival, une nouveauté de cette édition, on nous serve quelques tapas ou une paella…
Corps engagés et politiques
Cette année, le In interroge le vivre-ensemble, par le corps et par la volonté politique. Les compagnies espagnoles y sont particulièrement engagées. Mais elles n’en ont pas le monopole. La preuve par plusieurs compagnies sans lesquelles l’histoire de Mimos ne serait pas la même. On retrouve en effet Nicole Mossoux et Patrick Bonté avec l’une de leurs dernières créations. Satire mordante des troubles du comportement liés à nos modes de vie, A Taste of Poison était aussi la première création pour la scène s’attaquant directement à l’état des USA suite à l’élection de Donald Trump.
Il y a une pensée comparable derrière Vitrines en cours… de la compagnie Volubilis, avec leurs actions chorégraphiques et critiques qui se déroulent, toute une journée durant, de l’ouverture à la fermeture des magasins, dans certaines vitrines du centre-ville. Les commerçants périgourdins qui se plaignaient de ne plus voir grand-chose du festival seront enfin servis. Mais ils devront faire face à la critique lucide du culte de la consommation, orchestrée par la chorégraphe Agnès Pelletier.
Mimos #37 offre aussi une belle vitrine à Raphaëlle Boitel. La chorégraphe circassienne (L’Oubliée, 5èmes Hurlants) présente son solo La Bête noire, où elle interroge nos atavismes et nos traumatismes. Une petite forme certes, mais sans elle, son grand spectacle La chute des anges, pour huit interprètes, présenté sur la grand plateau de L’Odyssée, n’existerait pas. Boitel y mélange cirque, danse, théâtre et arts visuels pour imaginer une humanité du futur, après la destruction de l’écosystème ou un autre désastre.
Et le langage inconscient du corps ? Il n’est pas inutile d’en posséder quelques notions pour mieux décoder les signaux non-verbaux que nous envoyons et recevons à notre insu. C’est un artiste clé de Mimos de longue date qui nous en donne les clés, avec sa conférence-spectacle Ces corps.com. Il s’agit d’Yves Marc, cofondateur avec Claire Heggen du Théâtre du Mouvement, cette référence absolue dans le théâtre gestuel. Il décortique ici le langage corporel inconscient qui est présent dans tous nos actes et échanges, dans le dernière de ses spectacles-conférences qui sont devenus un véritable classique de Mimos.
Thomas Hahn
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